• Petite enfance

Un jour avec une infirmière puéricultrice libérale : « Ici, c’est l’inverse des rendez-vous à la chaîne »

Une sonnette dédiée, un paravent astucieusement posé dans l’entrée et une salle réservée aux consultations. C’est à son domicile qu’Aurélie a décidé d’installer, il y a quatre ans, son cabinet d’infirmière puéricultrice. « J’ai fait partie des premières puéricultrices libérales », dit-elle en poussant la porte de son cabinet. 

En plus des travaux nécessaires à l’aménagement de son espace de consultation, il a fallu trouver son statut, car « si la puériculture, est la plus grosse spécialité du métier d'infirmière, explique-t-elle, nous ne sommes pas plus d’1% en libéral. » Pourtant, le besoin des parents est bien là. Allaitement, sommeil, nutrition pédiatrique, c’est vers elles qu’on se tourne lorsque le pédiatre n’est pas disponible.  

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Allaitement : je valorise les compétences de la maman 

8h30. Après un peu d’administratif, Aurélie commence la première consultation. « J’accueille toujours au portail. Ça permet de discuter tranquille en remontant l'allée, d'aider à porter le cosy, je trouve que c'est plus chaleureux. Ici, c’est l’inverse des rendez-vous à la chaîne chez le pédiatre. » L’échange débute sur la grossesse, puis l’accouchement et, rapidement, les premières difficultés rencontrées : une crevasse et des douleurs d’allaitement. La maman fond en larmes. « À chaque consultation, je sors la boîte de mouchoirs et je leur dis : ne vous inquiétez pas, tout le monde pleure’’. Je les rassure et surtout, je les laisse me raconter ce qu'elles ont envie de me raconter. »  

Aurélie ausculte attentivement la bouche du bébé pour s’assurer qu’il n’y a pas de problème de succion. « J’observe surtout la posture d’allaitement et j'essaye de trouver des solutions en mettant en avant les compétences de la maman, confie-t-elle. Si le bébé est mal installé, la maman est penchée en avant, je réajuste en faisant des propositions : “et si vous l'installiez un peu plus haut, qu'en pensez-vous ? C’est plus confortable ?’’ Moi, je touche très peu les bébés parce que, l'objectif, c'est la relation maman-bébé. Je rassure et valorise ce que fait la maman. » Le moment est judicieux pour impliquer le papa. Délicatement, Aurélie lui rappelle son rôle : « votre job, c’est de créer un cocon autour de la maman. » Tout au long de la rencontre, les parents interrogent : et ça, c’est normal ?’’. « Dans une consultation allaitement, on va parler de plein d'autres choses. Je laisse la porte ouverte à toutes les autres questions. » Avant de partir, les parents se voient remettre un « plan d’actions » pour améliorer la situation. 


 « L'objectif, c'est la relation maman-bébé. Je rassure et valorise ce que fait la maman. » 


Sommeil : souvent les solutions leur sautent aux yeux  

10h00. Aurélie fait place nette et dégaine un tapis de jeux. Léon, 12 mois, ne dort pas. Visiblement, ses parents non plus. « Je mène une véritable enquête, raconte-t-elle. Je reprends les antécédents : la grossesse, l’accouchement, est-ce qu’il y a eu des séparations depuis la naissance ? » Puis, elle leur demande de raconter leur journée type : réveil, heures de repas, de siestes… « Je veux tout savoir, je pose des milliards de questions : s’il y a une veilleuse, des rideaux… Tout ce qui me donne des informations sur les rituels, le rythme, les conditions et l'environnement de sommeil de l’enfant. »  


« Mon rôle, c’est de remettre du cadre, une routine et du rituel. » 


Après les avoir écoutés, Aurélie sort ses fiches pratiques illustrant le petit train du sommeil : une métaphore ludique pour bien comprendre le fonctionnement et les besoins de l’enfant. « Ce n’est jamais moi qui pointe du doigt ce qui ne va pas, précise-t-elle. À chaque fois, les solutions sautent aux yeux des parents. » Pour Léon, le plan d’actions consiste à réintroduire des siestes et corriger certaines habitudes. « Souvent, c'est le chantier quand ils arrivent : il n'y a plus rien, plus d’horaire, pas de routine, ils sont complètement dépassés. Mon rôle, c’est de remettre du cadre, une routine et du rituel. » 

Nutrition, portage : les parents ont besoin d’être rassurés   

Les consultations reprennent l’après-midi. Au milieu, une visio de 30 minutes avec la maman d’Alma, 18 mois qui ne veut manger que « des pâtes ». « J'explique ce que c'est que la néophobie alimentaire et que c'est une phase normale du développement de l'enfant », raconte Aurélie qui propose quantité d’astuces pour faciliter le retour à une alimentation variée. De l’autre côté de l’écran, la maman d’Alma semble très anxieuse. Peu à peu, la conversation dévie sur son sommeil : « je suis sur le qui-vive la nuit, quand elle se réveille. Moi, derrière, je n'arrive pas à me rendormir, je ressasse, je me dis que je suis nulle, une mauvaise mère... » Un discours qui peut laisser poindre une dépression post-partum. « Parfois, cela dépasse le champ de mes compétences, admet-elle, alors j’oriente les parents vers des professionnels avec qui je travaille : médecin, sage-femme, psychologue, réseau Maman Blues… » 

17h00. Un couple sort du cabinet, emballé par sa séance de portage. Aurélie, elle, s’apprête à remettre sa casquette de maman. Dans la soirée, elle reviendra probablement à sa table de travail pour une dernière consultation en visio ou pour avancer l’administratif. « C’est un métier prenant, avoue-t-elle, mais c’est un métier passion qui nécessite d’être totalement disponible, à l’écoute et de se mettre à jour tout le temps. Je me régale. » 

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